



« Hé Lynn ! C'est pas nous qui traversons la frontière, c'est la frontière qui nous traverse ! »
Mus, au téléphone.
« Pourquoi épurer, aller à l'origine alors que tu es la somme de toutes ces choses. Il n'y a pas d'identité sans introspection. Ce sont des questions : pourquoi ça, ça ne me parle pas ? Pourquoi ça, ça me parle plus ? Parfois vu de l'extérieur c'est schizophrénique, mais pour moi c'est comme une évidence. »
Laïd, né à Niort, vit à Niort
« Je me sentais être à la maison, en France, et puis je n'étais jamais sorti du pays, je n'étais jamais retourné au Congo, mais quand on est confronté aux problèmes administratifs, aux contrôles d'identité, on se dit est ce qu'on est là, est ce qu'on est pas là... »
C., né à Brazzaville, vit à Niort
« J'aurais aimé parler la langue de mes parents, mais je comprends le choix qu'ils ont fait. S'ils ont vu un danger à l'époque, c'est que l'intégration devait être beaucoup plus compliquée... C'est ça qui est bizarre dans la double culture, à la fois il y a une forme de différence parce que tes parents sont algériens, physiquement tu es « typée » et à côté de ça, tu n'as même pas le truc en plus, tu es
banalement française ! »
Aïda, née à Niort, vit à Niort




« J'ai voyagé parce que j'en avais marre de rester là de me sentir un étranger, ici, et de ne pas pouvoir avancer... à l'étranger, j'étais un étranger parmi d'autres étrangers. Puis, j'ai commencé à rentrer au Congo. Les congolais sentent que je suis un parisien, c'est comme ça qu'ils m'appellent, mais j'insiste sur le fait que je suis là, et qu'ils doivent composer avec. »
C.
« Je suis italienne. En France, je me sens italienne. Mais en Italie, je me sens sarde. »
Emanuela, née à Badesi (Sardaigne), vit à Niort
« Tu ne peux pas ne pas avoir de racines, ça n'a pas de sens. Mais ensuite, l'identité, c'est creuser, c'est l'ossature sur laquelle tu rajoutes quelque chose. Et pourquoi épurer, aller à l'origine alors que tu es la somme de toutes ces choses. Il n'y a pas d'identité sans introspection. Ce sont des questions : pourquoi ça, ça ne me parle pas ? Pourquoi ça, ça me parle plus ? Parfois vu de l'extérieur c'est schizophrénique, mais pour moi c'est comme une évidence. »
Laïd, né à Niort, vit à Niort
« C’est très particulier le rapport à la langue, les histoires de langues... Mais qu'il y a un au delà de la culture... tu ne peux pas expliquer une personnalité juste parce que tu es né dans un pays, il y a quelque chose qui se fait au delà de la transmission du culturel... Ce qui m’intéresse c'est la singularité de chacun. »
Sarah, née à Niort, vit à Niort


« Ça m'est arrivé qu'on me demande, tu te sens plus français ou algérien et je réponds, ni l'un ni l'autre, je suis méditerranéen... je suis né en France, je travaille en France, mes enfants sont nés en France, sont scolarisés en France... je me sens algérien de cœur parce que c'est ma culture, ce sont mes repères... et je peux pas l'enlever. Je suis... comme le propriétaire du bateau qui fait Marseille Alger. »
Mus, né à Parthenay, vit à Niort
« Mon père, il y avait vraiment cette duplicité, une personne en France et une autre en Tunisie... »
Sarah
« Le mouvement, je pense qu'il va des racines aux branches. Mais ça va dans les deux sens, si tu décides de faire le retour. Moi c'est mes parents qui ont planté l'arbre ici... mais si demain ils doivent retourner avec l'arbre ils seront obligés de couper les branches. Les parents sont les piliers, le jour où ils ne seront plus là, la dalle s'effondre. S'ils décident de partir il faut d'abord que toutes les branches décident de s'accorder pour voir si on repart avec le tronc. C'est un mouvement permanent ; y a rien de figé, tu t'adaptes... »
Mus

Entre-deux
2017
Mots clefs : identités, langues, fragments, étrange, étranger(s), mémoire(s), origine(s), traverses, branches, intersections, racines, enfance.
L'entre-deux ? Entre-deux identitaire, de langue, de pays, de cœur. L'entre-deux pour moi c'était France-Algérie. Née là bas, ayant grandi ici, pendant plus de quinze ans j'avais oublié l'Algérie. Quand j'ai remis les pieds en terre natale en 2014, je me suis posée à nouveau la question de la maison. Là-bas ils disent que je suis d'ici ; ici on dit que je viens de là-bas. J'ai voulu rencontrer mes compagnons de l'in between. Sonder l'entre-deux entre-trois dans le calme niortais. L'eau et les arbres, la lumière et les ombres dessinent l'exil intérieur, les doubles identités, la recherche d’attaches – quelque chose qui nous traverse et vient d'ailleurs.
Aller simple, aller/retour. Alger. Tiaret. Damas. Tbilissi. Brazzaville. Sfax. Ovalle. Téhéran. Paris. On dit que le mouvement va des racines aux branches, mais se peut-il qu'il aille dans un sens, puis dans un autre, se peut-il que l'herbe pousse véritablement par le milieu ? Je me souviens d'une phrase dans un livre d'Anaïs Nin : « mes racines ? Oh, elles sont portatives ».
Série créée lors des Rencontres de la jeune photographie internationale, CACP Villa Pérochon, Niort, France.
In-Between
2017
The in between ? In-between identity, language, country, heart. For me, the in-between was France-Algeria. Born there, but having grown up here, for more than fi teen years I had forgotten Algeria. Returning to the land of my birth in 2014, I found myself wondering again about the notion of home. There they say that I am from here, whereas here they say that I come from there. I wanted to meet my fellows from the in-between, and to explor what is it to be between two or even three in the calmness of Niort. Water and trees, light and shadows, refl ct inner extile, doubles identities, the search for attachment - something that goes through us and come from elsewhere.
One way, return. Alger. Tiaret. Damascus. Tbilisi. Brazzaville. Sfax. Ovalle. Tehran. Paris.
It is said that the movement goes rom the roots to the branches, but it is possible that is goies in one direction, and then in another ? Is it possible that grass really grows through the middle ? I remember a phrase in a book by Anaïs Nin : “My roofs ? Oh, they’re portable.”
Created during the Encounters of Young International Photography, CACP Villa Pérochon, Niort, France.