2014/2019
Lors de mon retour à Alger, en 2014, j’habite rue Belouizdad, dans un quartier populaire. Je retrouve mes tantes, H. et N. Peu avant la mort récente de leur sœur, elles ont rejoint son appartement pour la retrouver et ne sont finalement jamais reparties. Il y a aussi B. qui était la garde-malade de ma tante décédée et qui est restée.
Cette série de photographies s’est construite dans ce petit appartement où nous vivons à quatre. H. et N. passent une grande partie de leur temps à regarder par la fenêtre, fumer des cigarettes, et puis dormir, comme pour se reposer d’un pays qui les a malmenées, que ce soit avec sa hogra (en algérien : le mépris, l’injustice, l’oppression), ou sa « décennie noire », dont les cicatrices se referment à peine.
Au fur et à mesure de mes séjours, je me réconcilie avec mes souvenirs dans un monde qui m’est à la fois familier et étranger. Je fabrique des images en dépit du temps perdu, et qui traversent mes images mentales. En 2017, B. s’est mariée, et puis successivement en 2020 et 2021, H. et N. sont décédées. Ce travail m’a permis de fixer, par la photographie, quelque chose de leur histoire, de la mienne, et de celle de l’Algérie.
When I returned to Algiers in 2014, I lived on Rue Belouizdad, in a working-class neighborhood. I reconnected with my aunts, H. and N. Shortly before the recent death of their sister, they had moved into her apartment to be with her, and they never left. There was also B., who had cared for my late aunt and ended up staying, too.
This series of photographs was created in that small apartment where the four of us lived. H. and N. spent much of their time smoking cigarettes, watching the street through the window, and sleeping—as if trying to recover from a country that had worn them down, whether through its hogra (Algerian Arabic for contempt, injustice, oppression), or the “Black Decade,” whose scars were still barely healing.
With each visit, I reconciled a little more with my memories, in a world that felt both familiar and foreign. I made images in spite of lost time—images that also traversed my inner landscapes. In 2017, B. got married. Then in 2020 and 2021, H. and N. passed away. Through photography, I was able to preserve something of their story, of mine, and of Algeria’s.